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Quand Bob Morane raconte comment s’égarer dans la vallée infernale…

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Parmi les histoires que j’ai découvertes durant mon cursus à l’école, le Voyage en Occident de Wijouji est l’une de mes préférées. En plus d’avoir inspiré le très bon manga Dragon Ball (bonjour les références en dissert’), ce texte narrant l’épopée du moine chinois Xuanzong parti en mission à travers l’Asie est aussi un pionnier de la littérature de voyage.

Ce genre conduit son auteur à raconter ce qu’il a vu, vécu et ressenti durant ses voyages à travers le monde. S’il romance parfois pour des raisons de fluidité, il privilégie la plupart du temps le réel à la fiction. Parmi les récits les plus connus, on peut bien évidemment citer Le Devisement du monde ou Livre des Merveilles qui raconte les voyages de Marco Polo à travers l’Asie jusqu’à la cour mongole de Kubilaï Khan à l’aube du XIVe siècle. Pour l’anecdote, le marchand vénitien dicte son ouvrage à Rustichello de Pise alors qu’il est prisonnier à Gênes après avoir participé à une guerre entre les deux patries (non, il ne pouvait pas se poser 5 minutes en rentrant de 26 ans de voyage). Ce récit a plus tard été diffusé grâce à l’imprimerie au sein de la communauté scientifique.

Avant même de parler de roman, l’écriture en elle-même possède une place importante durant les expéditions, souvent sous le format du journal de bord. Les explorateurs y notaient au quotidien leur position et l’ensemble des évènements du jour, qui pouvaient aller de la découverte d’une tribu ou d’une terre inconnue à la diminution toujours plus importante du stock de chocolat ou plus vraisemblablement d’eau emporté pour tenir durant le voyage (triste). L’ensemble de ces indications permet à la fois aux explorateurs de maintenir un cap et de garder la trace de leurs découvertes.

Le carnet de bord (et toute feuille volante plus ou moins bien rangée) est également un support idéal pour tracer des ébauches, voire de véritables cartes des côtes, des routes croisées, ou réaliser des croquis. Par exemple, Charles-Alexandre Lesueur, naturaliste du XVIIIe siècle originaire du Havre, a, lors de ses voyages, démontré ses talents de dessinateur en réalisant des aquarelles et autres croquis de l’ensemble des espèces qu’il a pu rencontrer avec une précision tout à fait incroyable.

À partir de toutes ces notes, les explorateurs rédigent leurs propres récits de voyage comme Louis Antoine de Bougainville, qui réalise son tour du monde entre 1766 et 1769. Il apporte notamment à la communauté scientifique et à son lectorat une connaissance de la géographie, de la faune, de la flore et des habitants d’Océanie, zone géographique jusqu’alors bien méconnue. Ce travail a pu être réalisé grâce aux membres de son expédition composée notamment d’un cartographe, d’un astronome et d’un botaniste.

Cependant, ce n’est qu’au siècle suivant que la littérature de voyage se popularise. Le XIXe siècle est marqué par la succession des révolutions industrielles, des évolutions scientifiques et techniques, qui permettent de voyager toujours plus vite, toujours plus loin, toujours plus haut, toujours plus fort, mais aussi de posséder des outils d’analyse plus performants. Grâce au chemin de fer et aux bateaux à vapeur, il est dorénavant plus aisé pour les scientifiques (et les particuliers !) de voyager. Ces progrès fulgurants trouvent leur illustration dans Le Tour du Monde en 80 Jours de Jules Verne. En plus de prouver qu’il est effectivement possible de réaliser un tour du monde en 80 jours (même si aujourd’hui, il suffit pour cela de passer 48h dans un avion), le voyage rocambolesque de Phileas Fogg montre la capacité de l’homme à voyager aisément où il souhaite et comme bon lui semble.

Ce roman est aussi le témoin de la popularité croissante d’un sous-genre : le voyage imaginaire. Si ce terme peut très bien désigner les voyages fantastiques à travers le temps ou les dimensions (mais cela s’éloigne trop du sujet de cet article), il comprend aussi les épopées inventées de toutes pièces. Ces œuvres ont eu un succès considérable auprès des lecteurs ainsi dépaysés à une époque où l’on se fascine pour les curiosités exotiques et scientifiques. En effet, les expositions universelles à partir de Londres en 1851 mettent à la portée du grand public ces cultures venues d’ailleurs, dont on n’avait jusqu’alors qu’un aperçu dans divers récits.

En outre, les aventures de Robinson Crusoé de Daniel Defoe ont donné lieu à un sous-genre dans la littérature de voyage, les Robinsonnades, qui ont pour sujet la survie d’un héros dans un milieu inconnu, sa manière de s’adapter, les techniques qu’il emploie, ses éventuelles rencontres avec des autochtones (un survival game en pleine nature quoi). Parmi ses héritiers, on compte Sa Majesté des Mouches de William Golding ou les œuvres de Michel Tournier, qui choisit carrément de reprendre le récit de Defoe dans Vendredi ou les Limbes du pacifique ou Vendredi ou la vie sauvage, adressé à un public plus jeune.

Grâce à ces évolutions sans relâche, l’homme dispose aujourd’hui d’une connaissance du monde qui, si elle n’est pas exhaustive, demeure vaste et accessible : pensons à Google Maps, dont les satellites ont cartographié quasiment chaque mètre carré de la surface de notre Terre. On pourrait croire que cette connaissance d’une précision extrême sonne la fin du merveilleux métier d’explorateur… Mais non. Car si l’époque de la cartographie fractale arrive à son terme, il reste encore de nombreux domaines à découvrir, appréhender et comprendre, dans le cadre de disciplines comme l’anthropologie. Et non, en spé, nous n’étudions pas que les citations de Gandalf le Gris, désolée de briser un mythe.

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En effet, au même titre que l’astrophysicien dans un domaine plus éloigné des compétences enseignées dans cette école, l’anthropologue est un peu la nouvelle figure de l’explorateur du XXIe siècle. La discipline en soi date du XIXe siècle, mais l’ensemble des récits de voyages que j’ai eu l’occasion de citer dans cet article réalisent déjà une certaine forme d’étude de l’individu, toute subjective et incomplète soit-elle. Car oui : l’anthropologie est une science, et à ce titre, se doit d’être objective. Son pratiquant est contraint de se défaire de l’ensemble de ses préjugés lors de l’ethnographie de son terrain, c’est à dire le travail d’observation de la communauté qu’il étudie, le (ou les) lieu(x) où elle vit, ses activités quotidiennes ou particulières, et plus tard lors de son analyse.

L’anthropologie est une science du contemporain, puisque l’anthropologue étudie une communauté vivant pleinement dans notre monde en perpétuelle évolution. Si certains déplorent cette caractéristique, c’est à mon sens ce qui fait le charme de la discipline : on observe quelque chose d’éphémère qui paradoxalement s’ancre dans la continuité d’une tradition, qui possède son passé (pas forcément âgé de centaines d’années !) et son futur. Il faut savoir décrire le fait sur l’instant et le resituer dans un contexte englobant des champs considérablement variés allant de l’économie interne et externe à la communauté, aux techniques employées, aux coutumes…

Enfin, le travail de l’anthropologue est d’expliquer ses observations et ses conclusions à travers la rédaction d’articles ou d’ouvrages que l’on peut, par extension, lier au champ de la littérature de voyage. En effet, la publication de Tristes Tropiques a permis à Claude Lévi-Strauss d’être reconnu comme écrivain par le monde littéraire puisque l’ouvrage a presque été en lice pour obtenir le prix Goncourt, en plus d’être un pilier pour la communauté anthropologique.

Aujourd’hui, le sujet de voyage continue de fasciner les foules. Il suffit de rentrer dans une librairie pour constater la taille des rayons concernés, remplis d’ouvrages plus récents comme Ce qu’il advint du sauvage blanc de François Garde, Prix Goncourt du premier roman en 2012, qui s’inspire d’une histoire vraie pour mener une réflexion autour de l’idée d’oublier sa culture pour en adopter une autre, et sur la manière d’étudier un individu. Tout ceci prouve l’intérêt toujours actuel pour l’aventurier solitaire de parcourir la terre entière traquant avec espoir l’être humain et ses mystères, le secret de ses pouvoirs, pour enfin devenir le roi de la Terre et de le conter grâce à la littérature…

Chloé-Alizée Clément

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