Une fois n’est pas coutume, je vais commencer cet article en évoquant un rêve d’enfant : rencontrer le monstre du Loch Ness. Quand j’en ai entendu parler pour la première fois, je devais avoir environ huit ans. Prenons en compte le fait que j’étais fascinée par les dinosaures et que déterrer des squelettes de grosses bêtes me faisait rêver (on se demande pourquoi j’ai atterri à l’École du Louvre). Imaginez un peu le tourbillon d’idées, d’émotions et le rêve de gosse que voir cette espèce de gros dinosaure marin représentait pour la gamine que j’étais.
Cette histoire était toujours dans un petit coin de ma tête. J’avais envie d’aller en Écosse juste pour voir le lac et apercevoir le monstre. Puis, au bout de quelques années, j’ai appris qu’il ne s’agissait que d’un canular (du moins à la base) et que de nombreuses études avaient été réalisées dans le but de réfuter les « preuves » avancées par les personnes affirmant avoir vu le monstre. Déception totale. Mon petit rêve de rencontrer une créature aussi fabuleuse s’effondrait doucement et silencieusement.
En apprenant le thème du Gala de cette année (comme tout le monde, en novembre en janvier), la première image qui s’est imposée dans mon esprit, ça n’était pas une image de dieu ou de monde mythologique. La première chose qui m’est passée par la tête, c’est le monstre du Loch Ness. En y réfléchissant, je me suis rendu compte que cette grosse bête (que j’imagine globalement comme une baleine à long cou avec une tête de diplodocus) occupait une place assez importante dans mon imaginaire, et je ne pense pas être la seule dans cette situation. Car même si les mythes nous font rêver et alimentent notre imaginaire depuis toujours, ils ont tout de même été créés par les hommes. Pourquoi ? Pourquoi avoir créé quelque chose qui ne résiste pas à l’épreuve de la science ?
On peut se pencher sur ce que racontent les mythes (rassurez-vous, je n’ai pas la prétention de donner ici toutes les clés de compréhension d’un sujet qui mériterait des volumes entiers) afin de les comprendre. Dans son ouvrage sur la Psychanalyse des contes de fée, Bruno Bettelheim analysait la différence entre le mythe et le conte, mettait en avant le fait que le mythe comportait toujours une dimension qui nous dépasse. Pour prendre l’exemple des mythes grecs, ils concernent en grande partie les divinités auxquelles il arrive des aventures plus rocambolesques que la coupe de cheveux de Ludovic Laugier. Un mythe, c’est une histoire qui, d’une certaine façon, nous dépasse, qu’on ne pourra jamais atteindre et qui restera hors de portée. C’est de l’ordre de l’inatteignable, plus haut que le swag de Beyoncé et du Président du BDE réunis. Bref, vous voyez le genre.
Mais dis donc Jamy, pourquoi créer de telles histoires ? On peut imaginer plusieurs raisons dont l’une d’elles serait que ça nous pousse à chercher plus loin que ce que l’on connaît. Pour rester avec le monstre du Loch Ness, le mythe nous pousse à examiner les frontières de notre monde et de nos connaissances pour voir si ce que l’on connaît correspond à la réalité que l’on pourrait imaginer. En d’autres termes, on peut se demander si le mythe pourrait devenir réalité ou s’il resterait si mythique qu’il en a l’air. Dans le cas de Nessie, des études ont démontré qu’un monstre ne pouvait techniquement pas vivre dans le Loch Ness à cause de sa taille trop importante (donc là, c’est bien la taille qui compte).
Et pourtant, une petite partie de moi a toujours envie d’aller en Écosse pour aller sur les berges du Loch Ness et essayer d’apercevoir cette bestiole. Même si je sais qu’elle ne peut pas exister, que c’est impossible. Et c’est une autre dimensions du mythe qu’il est important de prendre en compte : en plus de nous aider parfois à remettre en question les limites de nos connaissances, il nous donne quelque chose en quoi croire, un rêve fantastique et puissant qui reste présent par son aura d’improbabilité et de questionnement qu’il suscite en nous.
Alors voilà, un jour, j’irai en Écosse pour voir que le monstre du Loch Ness n’existe pas et qu’il est juste une créature qui m’accompagne mentalement depuis tout ce temps. Et peut-être pour quelques années encore.
Viena
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