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De l’art de conter l’amour…

Dernière mise à jour : 25 janv. 2021

« L’amour et ses élans pudiques Ont, dans leurs songes réticents, Les noblesses de la musique. »

Anna de Noailles, Poème de l’Amour (1924)

<ol> <li><a href='https://louvrboite.fr/wp-content/uploads/2020/11/Jean-Baptiste-Lully-1632-1687-Marche-pour-la-Ceremonie-des-Turcs-1.mp3'>Jean-Baptiste Lully (1632 -1687) Marche pour la Cérémonie des Turcs (1)</a></li> </ol>

            Que serait le Louvr’Boîte, le fameux, incroyable et unique journal des étudiants de l’École du Louvre sans les sulfureux penchants de sa rédaction ? Avouons-le, clamons-le haut et fort, cet amour pour la sensualité, pour les caresses et autres sublimes délicatesses !

            Tout débute par un regard, une œillade. Cette attirance entre deux corps, qu’elle se développe instantanément, ou au fil des mots, des échanges ou autres signes, finit toujours par prévaloir pour son évidence péremptoire. 

            Les sentiments, les gestes constituent, certes, la part la plus essentielle d’une histoire ; certaines personnes iront même jusqu’à déclarer cet attachement suffisant, ce qui est tout à leur honneur. Mais pour nous, qui sommes férus des plaisirs que nous accordent la chair, qu’en est-il de la concrétisation sublime de ces penchants, de ces attirances, voire de cet amour profond ? Comment raconter ces moments d’intimité, qu’ils soient suaves et langoureux, ou intenses et sémillants ?

Je vous propose donc un voyage à travers les méandres de l’Empire des sens et les vagabondages des arts oratoires. À défaut d’une histoire, laissez-moi vous raconter ces légendes plus que réelles, ces hasards d’un soir comme ces aventures d’une vie. Partons de la racine, pour remonter tout le long de la tige jusqu’à cet endroit où tout s’épanouit. Là-bas, nous apprendrons à cueillir l’essence de nos amours pour mieux les relater, et faire vibrer les flammes voluptueuses de votre assistance.

  Hâte, diligence, vélocité ne sont que des leurres : si l’acte est rapide, la lenteur et les circonlocutions inhérentes sont pourtant clés. Le temps mécanique n’a pas d’importance, car seul compte le temps des sensations, des émotions. Paradoxale idée d’affirmer que si patience n’est que vertu, impatience demeure dans le même temps essentielle ! Et pourtant, c’est ainsi que croissent nos envies, nos besoins qui, naturels au départ, s’empressent de devenir nécessaires. Hercule doit emprunter les deux chemins pour parvenir à la félicité, en dépit de ce que les sages et les tableaux tendent à nous raconter… Sapristi !

            Alors, avant de vous lancer dans la narration, n’oubliez pas ces détails qui rendent cette entreprise naturelle et vivante. Les mots, les paroles que vous emploierez sont essentiels dans votre entreprise. Rappelez-vous, que la langue est riche et permet moult prouesses, dans tous les sens du terme, bien entendu.

            Croisez ainsi nonchalance et sensualité dans vos métaphores, mais n’oubliez pas non plus que des termes plus crus ont aussi leur charme : ce sont eux qui évoquent en nous les émois les plus ineffables de par l’évidence de leursignification. Après tout, y a-t-il vraiment un mot plus beau que cul ? N’entendez-vous pas en le prononçant, cette sonorité claquant dans votre palais, tandis que votre langue, paralysée par le plaisir, se dissimule derrière vos lèvres s’arrondissant pour former ce doux son prometteur. Les images surgissent dans votre esprit, qu’elles proviennent d’expériences passées, ou d’autres regards perdus sur les muscles fessiers de naïades ou d’Adonis de toute sorte au cours d’une séance de Travaux Dirigés qui se serait éternisée. Hululées, soufflées, chuchotées, hurlées, tant de possibilités existent pour une seule syllabe résonnant aussi lascivement pour notre esprit comme l’ensemble de notre corps.

            Car oui : l’essence de la scène réside dans les sensations charnelles. Tous les sens sont mobilisés dans un mélange remarquable à chaque étape de ce parcours, jusqu’à son paroxysme. N’oubliez pas d’évoquer l’ouïe (soupirs et gloussements), la vue (corps coruscants et obscurité derrière vos paupières closes), le toucher (chaleur et consistance) mais aussi l’odeur (sueur et parfum) et le goût (sel ou même poivre, pour les plus curieux). Retenez également que parfait troubadour n’ira pas retranscrire avec une précision des plus parfaites ces perceptions propres à chacun, mais saura les suggérer par la figure de style comme la métaphore : 

« Afin d’accélérer l’éclosion des fraisiers, le jardinier guilleret déplaça sa main sur ce spécimen remarquable, au cœur de la mystique forêt qui s’étendait à perte de vue à travers ce paysage vallonné. »

          Pour perfectionner vos connaissances du champ lexical des végétaux, n’hésitez pas à aller consulter notre ancien numéro « Végétal » : pistils, étamines ou corolles sont des mots bien utiles pour un.e débutant.e en la matière…

Ou bien l’allitération :

« Batifolant de bonheur, Babette bifurqua bien jusqu’à la belle et bonne bavette. »

          Merci à toi, chère Babette qui lit ceci, d’avoir accepté l’emprunt de ta personne pour les besoins de l’exercice… Et puis : quel appétit !

Ou encore, l’hyperbole… Éblouissement saisissant, félicité pharamineuse, n’hésitez plus dans vos choix pour le clou du banquet : les descriptions du plaisir viennent aussi instinctivement que la recherche du passe-temps dont vous brossez le portrait !

« Recueillez donc le délicieux nectar de notre symposium dans ce fantasmagorique calice ! »  

          La légende ne nous dit toutefois pas si cet objet de grande valeur est aujourd’hui exposé dans nos musées fétiches… Ne sentez-vous pas votre âme s’animer, ô futur.e.s conservateur.trice.s, en apprenant l’existence de ce sujet de recherche utile et fondamental pour notre bien-être social ? Le monde est entre vos mains, alors, saisissez-vous de ce Saint Graal et partez à la conquête des réserves et autres archives callipyges, callimastes et ithyphalliques…

          Vous qui avez débuté cet article par curiosité, par intérêt sérieux, ou simplement par hasard, sachez que l’art de l’oral s’apprend avec le temps : c’est en forgeant que l’on devient forgeron, tout comme l’appétit vient en mangeant. Les balles sont dans votre camp, chantres de l’entrecuisse et ténors de l’érotisme, munissez-vous de vos voies et voix les plus charmantes, de vos plumes les mieux taillées pour nous conter la merveilleuse histoire de la vie, ce cycle éternel dans lequel nous tombons éternellement… 

Parlez-moi donc de cul !

Signé : La meuf à l’éventail.

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